```EXTRAIT``` 

« Ce matin était un de ceux-là. L’été chaud et engourdissant de la fête nationale de l’indépendance n’était pas fini. L’air était devenu de plus en plus lourd. Les odeurs diverses de la terre et des poubelles ne se mélangeaient et ne se répandaient pas, elles restaient comme des essences palpables au-dessus des endroits d’où elles se dégageaient. 

Toute la nuit, agitée, Kaka avait peu dormi. Elle s’était retournée brusquement quand le souvenir de la retrouvaille familiale faisait brûler son cœur et frémir ses nerfs. Des visions fantastiques flottaient entre elle et le déroulé de ce repas de famille. 

La cloche de midi sonnait au moment où une automobile gravissait la petite côte et franchissait la grille derrière l’Église catholique de Terre Nouvelle. On voyait les têtes levées des gens qui montaient les marches raides du porche et ils avaient l’air de sortir d’un puits.

A l’abri des sourcils roux, le regard perçant de Kaka parcourait rapidement le visage de ses hôtes. Sa vieille tête massive s’inclinait à droite et à gauche avec une condescendance royale. Elle serrait dans ses vieux bras vigoureux chacun d’entre eux, après un chaud baiser, et murmurait : "Merci, merci, mes enfants". »

Rosny Le Sage Souaga, « Le repas de famille >>, in _Celle qui allait danser avec les morts… Et autres nouvelles_, Collectif, Parangon Éditions, Abomey-Calavi, BÉNIN, pages 34-35.